Le 19 novembre, l’ancien flic Philippe Vénère, auteur du "Manuel de résistance contre l’impôt policier", était en conférence au Café Flore à Paris. L’occasion de faire un point sans langue de bois avec un retraité qui ne mâche pas ses mots.
D’emblée, levons un doute : non, Vénère n’est pas un pseudonyme, contrairement à ce que le ton du livre laisse entendre ! L’ex-flic dont les initiales demeurent à jamais P. V. (ça ne s’invente pas...) a exercé comme chef de la police judiciaire, mais il a également été Officier du ministère public (OMP) de 1992 à 1996.
C’est à ce titre qu’il peut traiter de procès verbaux en sachant de quoi il cause. "Nous traitions environ 450 dossiers d’infractions routières par semaine à cette période-là, précise Philippe Vénère.
Aujourd’hui ce serait beaucoup plus.
Certains fonctionnaires ne gèrent plus les dossiers d’une manière humaine. On ne reçoit pas le conducteur, on traite par machine interposée. Nous sommes devenus une annexe de Bercy.
Or, la verbalisation à outrance peut ruiner des famille entières." L’ex-OMP a conservé un souvenir différent de sa mission : "J’essayais de traiter chaque cas avec conscience. Nous avions la possibilité, par exemple, de délivrer un permis blanc aux professionnels de la route. C’est terminé…"
Profit à tous les étages. Dans son réquisitoire, le retraité aligne le gouvernement comme l’appareil d’Etat, mais n’oublie pas les municipalités : "Le stationnement est devenu une taxe ; à partir du moment où l’on supprime des places pour empêcher les véhicules de stationner, c’est une taxe, pas autre chose.
D’ailleurs, toutes les communes disposant d’une police municipale prévoient dans leur budget un poste lié aux recettes du stationnement." Le radar automatique en prend également pour son grade : "Les radars flashent de plus en plus d’infractions à très basse vitesse. Ils ne permettent pas d’arrêter les délinquants routiers, ni les auteurs d’infractions graves, liées à l’alcool par exemple. Nous avons investi sur les autoroutes et les voies rapides, or c’est sur le réseau secondaire que l’on se tue le plus.
Le contrecoup de la répression à outrance, c’est que les conducteurs versent dans la délinquance." Fait nouveau, il a récemment noté la déception des collègues : "Les policiers se sentent pris dans la nasse et sont satisfaits que l’un d’eux exprime son mécontentement."
On peut se défendre. Philippe Vénère conseille aux conducteurs de "rejoindre les associations de défense des usagers. Pas celles réunissant les victimes de la route, mais plutôt les usagers." Et de citer 40 Millions d’Automobilistes, ou encore la Fédération Française des Motards en Colère (FFMC). Bonus appréciable, l’ex-flic publie des conseils de conduite juridiques afin de mieux s’en sortir face aux PV.
Plusieurs exemples de lettres-type destinées à contester son amende sont disponibles dans la deuxième partie de l’ouvrage.
Rassurant. Les propos tenus par Philippe Vénère font du bien à entendre. Ils ne surprendront pas les militants du droit à circuler librement, qui s’insurgent depuis longtemps contre la pression s’intensifiant sur les conducteurs. C’est un combat du quotidien à la FFMC, relayé par Moto Magazine.
Il est cependant très rare de lire un tel discours de la plume d’un ancien policier. A ce titre, Philippe Vénère ne manque pas de cran. Son ouvrage le place sur la liste noire des interlocuteurs des pouvoirs publics.
Il y a 4 ans, le chercheur Jean-Gustave Padioleau s’était vu retirer des crédits après avoir publié le livre critique "La société du radar". Alors, d’ici à ce que l’Intérieur porte plainte contre l’ancien flic...
Nicolas Grumel - 27/11/2009