En 2009, les deux-roues motorisés ont représenté 28% des personnes tuées sur les routes de France", ont constaté les membres du Comité interministériel de sécurité routière (CISR) réunis ce matin à Matignon sous la houlette du premier ministre François Fillon.
Les dix mesures prises pour "prévenir les comportements à risque", valables pour tous les usagers de la route (lire encadré ci-dessous) sont doublées de quatre mesures supplémentaires spécifiques à ces dangereux fous du guidon. Quatre, trois, deux, un... Partez !
Mobilier routier moins dangereux
Commençons par celle qui pourrait - ô miracle ! - susciter le contentement des motards : "l’utilisation de matériaux moins rigides pour les supports de signalisation, d’éclairage routier ou de feux tricolores permettra, en cas d’accident, d’amortir le choc et de réduire la gravité des conséquences".
Désormais conscient que les usagers de deux-roues motorisés sont particulièrement vulnérables, le CISR cherche donc à adapter son mobilier routier via des supports "fragilisés" ou "à sécurité routière".
Déformables ou détachables, ces supports d'un nouveau genre permettraient de limiter les dommages corporels en cas de choc éventuel : lampadaires pré-sciés, feux tricolores en guimauve, panneaux de signalisation posés à même le sol ?
"De tels supports sont déjà utilisés dans d’autres pays (Norvège, Suède)", assurent les responsables de la sécurité routière, "mais ils ne sont pas encore, pour la plupart, homologués en France". Dommage, car il tarde très certainement à Rémi Gaillard de tester le rodéo sur panneau stop en caoutchouc !
"Une expérimentation est en cours dans deux départements (Seine-Maritime et Allier)", précise le comité qui prévoit le déploiement de tels équipements dès 2011. Affaire à suivre : restez connectés !
Formation obligatoire de 7 heures pour les 125 et MP3 LT
Jusqu'à présent, seuls les titulaires du permis B depuis le 1er janvier 2007 devaient suivre trois heures de formation pour pouvoir, deux ans après l'obtention de leur permis, conduire une motocyclette légère...
Or "en 2008, 152 personnes ont perdu la vie sur une motocyclette légère (de 50 à 125 cc)", comptabilise le CISR, avant de conclure : "quelle que soit la catégorie de véhicule (scooter, utilitaire, sportive, NDLR ?), les conducteurs novices sont plus exposés que les autres aux risques routiers du fait de leur inexpérience".
Là encore, pas un mot sur le nombre de kilomètres effectués lors de leurs trajets quotidiens, probablement fort supérieur à celui totalisé par les possesseurs de grosses cylindrées qui préfèrent attendre de parfaites conditions de roulage pour se faire plaisir !
Dorénavant, la formation durera quatre heures de plus, soit sept en tout : le compte est bon ! Elle sera également étendue à toutes les personnes souhaitant acquérir, pour la première fois, une motocyclette légère, qu'elles aient obtenues leur permis en 2010 ou en 1910...
Il est à souligner que les futurs utilisateurs de MP3 LT ne passeront plus à travers les mailles du filet, ladite formation s'appliquant désormais également aux tricycles à moteur. D'après les textes en vigueur en revanche, nul besoin pour eux d'attendre les deux ans de permis auto pour poser leurs fesses sur le fameux "scooter" Piaggio à trois roues. Pas pour l'instant, en tout cas...
Seule exception prévue à cette nouvelle règle : les automobilistes ayant obtenu leur permis avant 2007 et déjà possesseurs d'une motocyclette légère seront dispensés de formation, "puisqu'ils ont pu acquérir une formation de par leur expérience", consent le comité. Et s'ils sont toujours là, c'est qu'ils gèrent en effet pas trop mal la situation !
Mettre fin au débridage des cyclomoteurs
Selon une étude menée en 2007 par le Bureau central automobile expertise pour la Fédération française des sociétés d’assurances, "50% des cyclomoteurs accidentés sont débridés", rapporte ce matin le CISR. Un accident sur deux serait donc dû à un engin bridé : halte au bridage, donc ?! Que nenni !
"En 2008, 313 personnes tuées sur la route étaient conducteurs ou passagers de cyclomoteur ou scooter de 50 cc", déballent encore les membres du CISR, convaincus que mettre dans les gants de jeunes de 14 ans des mobs et scoots capables d'accrocher le 80 km/h relève de la pure hérésie.
Après tout, les retraités fortunés sont eux aussi contraints de conduire des berlines allemandes bridés à 250 km/h, les pauvres... Sauf qu'en l'occurrence, les constructeurs - et non les responsables de notre sécurité routière ! - sont à l'origine de cette limitation... M'enfin, vous l'aurez compris : la pression sur les cyclomoteurs augmente d'un cran.
Les forces de l'ordre renforceront les contrôles, bien plus faciles à mettre en oeuvre sur les cyclos que sur les motocycles. Nul besoin en effet de banc de puissance pour contrôler la 103 SP Sport du jeune voyou : un bon vieux radar mobile judicieusement planqué en pleine ligne droite, un valeureux pilote prêt à pousser à fond son 50 cc... et si les 45 km/h sont dépassés, bingo, c'est l'amende de 135 € (eh oui une nouveauté 2010 également !)
Cette nouvelle contravention de 4ème classe punit donc directement l'utilisateur du cyclo débridé. Objectif : consolider la lutte contre la vente d'engins débridés, qui visait en premier lieu - depuis 2006 - les professionnels. Le décret devrait être soumis à adoption cette année.
Une campagne de communication est également à l'ordre du jour, de même que le soutien "auprès de la Commission européenne de l'idée d'obliger les constructeurs à équiper leurs engins de systèmes de bridage électronique permettant de ne pas diminuer les performances du véhicule dans la plage des vitesses autorisées, tout en compliquant un éventuel débridage".
Contrôle technique pour les cyclos
Enfin, la décision qui risque de faire le plus grand bruit : "instaurer pour les cyclomoteurs un contrôle obligatoire tous les deux ans, centré sur le bridage du moteur, à compter de la deuxième année de mise en circulation".
"Un délai est nécessaire pour l'équipement des centres de contrôles en appareils adaptés aux cyclomoteurs et à la formation des contrôleurs", prévient le CISR. L'échéance est donc fixé à 2011. Mais déjà, émane naturellement de cette annonce deux questions...
La première : combien de temps le contrôle technique des cyclomoteurs se limitera à la seule vérification du bridage ? Car l'attention du CISR ne se limite visiblement pas aux 45 km/h réglementaires.
Certes, le comité insiste sur le fait que "50% de cyclomoteurs accidentés sont débridés". Mais il souligne également - selon la même étude - que toujours parmi les cyclos accidentés, "38 % ont un élément important (échappement, filtre, moteur, transmission, cylindre) ne fonctionnant pas correctement, et 29 % sont non conformes au Code de la route (rétroviseur, clignotants, éléments de sécurité, etc.)".
Difficile dès lors, de ne pas imaginer que ce simple contrôle du bridage se transformera vite en un inventaire d'une vingtaine de points, à l'image de celui pratiqué dans l'automobile. En outre, cela légitimerait davantage "le coût unitaire évalué entre 50 et 60 €". "Zarma, le prix d'une cartouche de clopes, 'sont oufs !"
Seconde interrogation suscité par cette mesure : n'est-ce pas là une manière indirecte de reconsidérer, à terme et en fonction des retombées, un contrôle technique pour les motocycles ?
Le simple fait que le CISR propose "l'extension du dispositif d'expertise en cas d'accident grave prévu par le Code de route" aux cyclos prouve que la duplication des principes et de leurs mises en oeuvre peut être simple comme bonjour. Alors, "bonjour le contrôle technique pour motos" ? C'est désormais certain. Mais quand ? Restez connectés !
Les dix autres mesures
du CISR du 18 février 2010
Augmenter les contrôles d’alcoolémie : 5 000 éthylomètres électroniques supplémentaires
Porter à 100 000 le nombre annuel de contrôles de stupéfiants (63 500 actuellement)
300 € de frais de contrôle de stupéfiants à la charge du contrevenant et non plus du contribuable
Mettre à disposition des éthylotests dans les débits de boissons
800 nouveaux radars d'ici à 2012, annoncés via des panneaux "contrôles radars fréquents" installés à une distance de 1 à 2 km en amont au lieu de 400 m aujourd'hui (lire encadré ci-dessus).
100 radars "vitesse moyenne" (lire MNC du 25 janvier 2010 : bientôt des contrôles de vitesse moyenne avec les "radars tronçons")
Immobiliser immédiatement le véhicule d’un conducteur ayant commis une infraction grave
3 ans d'emprisonnement et 75 000 € d’amende en cas de délit de fuite
Sensibiliser les futurs conducteurs dans les lycées
Prévenir le risque routier professionnel
Des radars moins repérables
Oubliant sans vergogne ses "promesses" (qui, comme chacun sait, n'engagent que ceux qui y croient) selon lesquelles les radars automatiques ne serviraient pas à piéger les utilisateurs dans la mesure où ils seraient clairement signalés (lire notamment MNC du 24 octobre 2003 : "L'objectif n'est pas de piéger l'automobiliste mais de l'inciter à réduire sa vitesse et donc les risques d'accidents", proclame le gouvernement en répétant que les radars sont installés "sur les axes les plus accidentogènes") et notre Dossier spécial Radars automatiques), le gouvernement s'apprête à les rendre beaucoup plus difficiles à repérer...
Les 800 nouveaux radars fixes dont l'installation est prévue d'ici 2012 ne seront donc plus signalés 400 mètres en amont mais 1 à 2 km, dans des zones de "contrôles radar fréquents". L'objectif affiché du gouvernement est "d'éviter le petit coup de frein suivi de la réaccélération devant le radar fixe", explique le secrétaire d'Etat aux Transports Dominique Bussereau, même si l'objectif réel est bien entendu d'augmenter le rendement de ces "péages" automatiques.
Par ailleurs, 100 radars dits "tronçon" seront mis en place à partir de 2011, qui contrôleront la vitesse moyenne entre deux points distants de quelques kilomètres dans des "zones sensibles", assure le gouvernement (lire MNC du 25 janvier 2010 : bientôt des contrôles de vitesse moyenne avec les "radars tronçons").
Prochaine étape logique, devant l'apathie des automobilistes et le poids étonnamment important des "associations de victimes" : supprimer purement et simplement les panneaux annonçant les radars, comme l'a déjà suggéré Dominique Bussereau (lire MNC du 28 m ai 2007 : les radars automatiques pourraient ne plus être signalés)... Reste juste à savoir quand... Restez connectés !
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Matthieu BRETILLE - Photos DR -
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