Le 3 décembre, c’était journée d’action au syndicat Unité SGP Police Force Ouvrière, représentant à ce jour 56 % des effectifs dans la Police nationale. Plusieurs milliers de fonctionnaires ont pris sur leur temps de loisirs pour manifester, en civil, leur opposition à la politique gouvernementale visant à la suppression de plus de 7000 postes.
Au péage de Mantes-La-Jolie sur l’A13 (Yvelines), ils étaient une cinquantaine à distribuer des tracts aux motocyclistes et automobilistes, dans la froideur et l’humidité d’un petit matin autoroutier pas comme les autres.
Hélas, ils n’ont pas poussé la protestation jusqu’à lever les barrières rouges et blanches pour laisser gratuitement passer les usagers… Mais leur colère était intacte, toujours étonnante venant d’un corps de métier peu coutumier de l’expression de son mécontentement.
Baisse d’effectifs. "Nous exprimons un vrai ras-le-bol", soulignait Jérôme Moisant, secrétaire régional du syndicat Unité SGP Police. "Le niveau des effectifs passe actuellement de 108 000 à 100 700 gardiens de la paix en France. La suppression de plus de 7000 fonctionnaires du premier grade (ceux qui travaillent sur la voie publique) est effective. Dans le cadre des infractions au Code de la Route, nous n’avons plus le temps d’assurer notre mission de prévention. Le fléchissement des effectifs contribue à réduire notre action à la seule répression."
Politique du chiffre. Fait nouveau, ces policiers dénoncent dans le même temps une politique du chiffre qui devient franchement néfaste. "On nous impose la culture du résultat, proteste Jérôme Moisant. Le fonctionnaire de police n’a plus le temps d’aborder l’automobiliste dans son contexte, il ne peut que réprimer. De retour dans son service, on lui demande s’il a rempli les quotas de timbres-amende et de procès verbaux." Et le syndicaliste de confirmer l’existence d’exigences chiffrées : "des quotas sont transmis à chaque chef d’unité. La hiérarchie fixe une quantité d’objectifs à tenir par brigade." Pire, des primes seraient distribuées. "Chaque fin d’année, il y a une prime individuelle pour résultat exceptionnel qui, selon l’unité, peut effectivement être attribuée en fonction du nombre de timbres-amendes effectués", précise le délégué syndical départemental des Yvelines, Erick Sabos.
Choix discutables. Les policiers Moisant et Sabos s’accordent : "la sécurité routière au rendement se fait au détriment de la police secours et du traitement de la vraie délinquance. Les infractions à la circulation rapportent de l’argent à l’Etat. On n’a investi que dans ce qui peut rapporter, les radars automatiques, qui suppléent l’activité des policiers et coûtent beaucoup moins cher…"
Transfert aux municipalités. Autre grief, le transfert de certaines compétences aux unités municipales : "La police municipale se substitue à la Police nationale, proteste Erick Sabos. Ainsi, à Conflans-Saint-Honorine (Yvelines), la Municipale a créé une brigade de nuit pour compenser le manque d’effectifs chez nous. L’effort financier lié à la sécurité est supporté au niveau de la commune et plus de l’Etat." 50 manifestants à Mantes-La-Jolie, plus d’un millier à travers la France… La Police Nationale va mal. On pourrait se réjouir de voir moins de képis sur le bord des routes. Pas s’ils sont remplacés par des radars automatiques et autres joyeusetés robotisées, qui contribuent à accroitre la répression sans favoriser la compréhension des sanctions.
Nicolas Grumel - 05/12/2009